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Cafés Salés & autres Douches Froides
24 octobre 2006

Coma

J’en voulais au monde entier, pour la simple raison qu’il ne pouvait pas reconnaître un talent que je n’avais pas. Parce qu’il lui manquait une tolérance et une ouverture d’esprit dont j’avais besoin impérieusement pour continuer.

Je tombais de haut. Je voulu m’habiller, mais tout n’était que costumes, que vaines vestes de Monsieur Loyal, que déguisement de cabaret, de princesse déchue, d’écolière.  Je vivais un carnaval permanent, j’étais aussi multiple que les masques qui s’entassaient sur le sol et le fauteuil rococo.

Tout était vieux, usé, rien plus que le son de l’écho de quelque chose d’usé.  J’avais beau ravauder l’étoffe, elle était usée à la trame. J’avais beau me laver jusqu’à rougir ma peau trop pâle, j’étais toujours sale. La crasse envahissait chaque parcelle du mannequin cireux que j’étais devenue.

Je n’étais alors plus rien. Mon corps seul saignait comme une viande bien réelle, comme l’agneau que l’on vide par l’artère axillaire dans les boucheries hallal. Et j’étais heureuse que la souffrance soit une impression de vérité.

Il ne valait pas la peine. Depuis que je savais son désir, il me semblait un pion de plus. Un pion lui aussi désirable, mais rien de plus qu’un agréable jouet sensuel. Nous aurions notre nuit au goût de mauvais gin, nos regards de faïence et parlerons poésie en nous jetant de la poudre aux yeux au matin.

Et cela ne donnait pas à mon cœur une raison de battre à nouveau.

Tous me dégoûtaient de leur hypocrisie suintante, de leur mesquinerie dégoulinante. J’aurais voulu jouer aux dominos avec leurs faces, blanches, noires, contre terre. Blanches, noires, contre terre.

Je détestais ce rôle qu'on m'avait collé en mon abscence, cette caricature de Venguérovitch. Je vomissais le théâtre.

J’aurais voulu pouvoir leur confier ma sombre désillusion et les doutes qui me rongeaient comme autant de cafards, mais leur fausse assiduité était pire encore que la moquerie et les quolibets.

Je me forçais à me réjouir de tout ce dont je jouissais. La dépression est un mal trop bourgeois pour que je l’eusse fait mien.

La journée à venir serait plus belle que le coma dans lequel je me poussais. J’irai dans l’orange des bars à bière pour fêter quelque pendaison de crémaillère au lieu de me réserver la potence. Je serai la force qui prend dans ces bras pourtant malingres la jeune fille honteuse dont le ventre ne s’arrondira plus au fil des mois. Je serai l’artiste qui croque les garçons de cafés et qui troque un didgeridoo contre un mélodica.

Le lendemain serait un jour qui me rendrait à l’humanité.

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